Jokeroller

Brainstorming

Je crois que plus personne ne se bouge pour militer ou essayer de changer le monde par peur de la police (cf gilets jaunes), peur que ça dégénère (cf gilets jaunes) et que ça perturbe tes petites habitudes quotidiennes parce que ce sont elles qui te font tenir. Si ces habitudes tombent, tout tombe parce qu'on ne va pas se mentir, on n'a plus envie de “faire société”. Militer, se révolter, dire non, désobéir, ça implique que tu veux construire autre chose pour toi mais aussi pour les autres. Et ces autres, tu as vraiment envie de faire société avec eux. On ne va pas se mentir, arrivés aux âges où nous sommes, nous avons déjà eu des épreuves à surmonter et nous avons subi l'injustice, le rejet, les blessures. Bref, nous avons déjà eu le temps de nous en prendre plein la gueule de la part de nos semblables et on ne va pas faire les hypocrites : tout ça, ça rend quand même un peu mysanthrope, un peu beaucoup même.

Tu as envie de faire société avec la salope qui t'a harcelée ? Avec le porc qui t'a violée ? Avec ceux à qui tu as ouvert ton coeur et qui t'on trahie, blessée, laisser crever et qui t'ont demandé de le faire en silence ? Tu as envie de changer le monde pour qu'il bénéficie à ceux qui t'ont balancé des horreurs homophobes à la tronche, avec ceux qui ont agité des pancartes roses et bleues ? Tu as envie de faire société avec les usagers qui te hurlent dessus parce qu'ils ne supportent pas d'attendre cinq minutes et qui ne veulent plus qu'un punching ball sur lequel se défouler ? Tu as envie de te battre pour les parents d'élèves qui t'ont traitée de folle en hurlant, en pleurant, en faisant une crise d'hystérie parce que tu leur as juste rappelée que tu avais les mains liées, que tu n'étais pas la supérieure hiérarchique de tes collègues ? Tu as envie de galérer pour le petit sauvageon qui t'a frappée, mordue, crachée dessus du haut de ses 6 ans ? Tu as envie de croire que le lycéen qui te braque avec une arme sera ton allié demain pour construire ensemble un monde meilleur ?

On rend les personnels politiques responsables, oui, ils le sont. Mais ce sont aussi que des humains qui sont le reflet de ce que le groupe a produit. Hein, on en parle de l'effet de groupe ? Eux, ils ont juste pris la décision de faire sécession avant tout le monde et ils avaient les moyens de le faire. Et toi, oses dire que tu ne ferais pas pareil si tu en avais l'opportunité, ou au moins oses dire que ça te ne traverserait pas l'esprit. Tu ne votes plus, tu ne manifestes plus, tu ne te défends plus parce qu'une ritournelle revient sans cesse dans ton esprit : “à quoi bon ?” et une immense fatigue s'empare de toi. Tes convictions ont été lessivées par toutes les marées de contre-arguments qui déferlent inlassablement sur ton esprit autrefois fougueux. Il y a l'âge bien sûr et ce qui vient avec et qu'on a appelé l'embourgeoisement. Que vaut une manif dans le froid, sous la pluie naissante avec trente pelés quand tu peux être au chaud chez toi à t'indigner devant un reportage de Cash Investigation et remplir ta bonne conscience militante avec un post sur ton mur et quatre commentaires sur les sites des chaînes d'info. Tu l'as croisé, le fer militant, avec les deux trolls qui squattent toujours la page de ton journaliste engagé préféré ! Voilà, tu as pris le temps de porter tes convictions en étendard, pour te convaincre que tu n'as pas complètement oublié malgré tes années dans le monde des lotophages.

Ce que tu ne t'avoues pas, par contre, c'est que dans le fond, tu en plus que marre de tes semblables. Les êtres humains te dégoutent. Tout ce en quoi tu croyais se fracasse sur ce que tu as pu observer, y compris dans ta section militante : la taille du logo, ne pas frayer avec le social traitre d'à côté. Et puis combien de personnes t'ont fait du mal ? Combien, même quand tu pensais que tu avais réussi à toucher du doigt ta petite utopie personnelle, combien t'ont trahi ? Combien ont raconté des horreurs sur toi, simplement pour te pousser à partir ? Combien de lâcheté, de consumérisme, d'invasion du politique dans tout ce qui devrait en être détaché, pas le politique éthymologique, le politique à la gloire du chef, à la gloire de ceux qui ont déjà fait sécession et qui se marrent en regardant les gueux, en dessous, ne pas réaliser que le monde a changé, qui sont encore en train d'essayer de lutter à l'intérieur du système alors que tout est volé, pillé par la tribu des cols blancs. Et ça rigole, oh oui ça rigole, à les voir tous avec leurs idéaus révolutionnaires ! En attendant ça paye des impôts et ça fait tourner la boutique. Ca gueule et ça brûle quelques bagnoles de temps à autre mais bon, quelques mains arrachées, des 49-3 et ça continue. Et toi, franchement, pourquoi ça te met en colère ? Parce que tu aimerais faire pareil. C'est tout. Tu aimerais pouvoir faire sécession aussi, avoir ton île et une armée de robocops qui font office de gardes frontière. Tu aimerais que personne ne rentre. Ras le bol d'avoir à négocier avec tous les abrutis qui ont peuplé ton parcours. Tu ne détestes pas le voisin, tu es même curieux des autres mais chacun chez soi et chacun sa merde, chacun se gère.

Toi ce dont tu rêves c'est de sortir. Tranquillement, sans effusion, sans hurlements, juste sortir. Te trouver un lopin de terre dans un endroit isolé ave quelques voisins qui s'occuperaient aussi de leurs affaires mais où il y aurait de l'entraide en cas de coups durs. Chacun sa vie, personne ne se juge, chacun travaille à son propre destin et on se fiche la paix. Voilà ce qui te plairait. Tu ne veux pas aller faire la révolution. Tu ne veux pas encore voir que les droits pour lesquels tu te bats sont récupérés par ceux qui ont déjà tout et qui finissent même par en faire un putain de folklore, pour s'encanailler. Toi c'est juste ta vie qu'on transforme en numéro de clown grotesque. Tous ces imbéciles... Et il faudrait aller refaire la lutte pour le genre humain ? Y'a pas de genre humain. Cet universalisme de merde. Y'a des gens, qui sont plus ou moins cons selon ce que tu en penses. Y'a des gens, certains sont biens, biens pour s'entendre et d'autres sont de fieffés connards et pourquoi on devrait s'obliger à se les fader ? On ne leur veux pas de mal, on n'envisage pas de leur taper dessus mais qu'ils restent dans leurs tribus de débiles et qu'ils ne viennent pas nous emmerder. Toi, ce que tu veux c'est t'isoler au milieu d'un plateau, avoir de quoi vivre décemment et ne plus rien avoir à faire avec cette société de débiles profonds. Ah, ça court ! Ah ça s'agite ! On dirait des mouches sur une carcasse. Qui se pose deux secondes pour réfléchir à la finalité de ses actes ? Au sens de sa vie ? Au milieu des mails et des téléphones qui sonnent, des gens qui s'insultent, qui se frappent, pour une bagnole, pour une note sur une copie, pour rien, parce qu'ils ont trop bu, pour s'éteindre la tête, qui se rend compte de la débilité de la chose ? Qui se rend compte que le temps passe vite et que tout le monde le perd à faire n'importe quoi ? Qui se rend compte qu'au-dessus, ils ont déjà foutu le camp. On les nourrit à distance c'est tout. C'est une démocratie visio. On la voit mais elle n'est pas vraiment là.

Ne plus répondre, se rendre compte, comme un filtre qui cesserait de fonctionner. Se rendre compte de ce qu'il y a derrière le miroir sans teint, se lever et fermer la porte, sans la claquer. Juste, partir, sans heurts ni cris. Au revoir, sans rancune, ce n'est pas mon monde, je vous le laisse et surtout restez-y parce que je ne veux pas que vous trouviez la route du mien.

LES GILETS JEUNES

ORGANISATION

  • Vocation ?
  • Ecole Primaire : déni de violence
  • L'intrusion : parents dans l'école, politique dans l'école, école dans les familles, capilarité extrême
  • Le quotidien : pas le temps d'aller aux toilettes
  • La direction : passe-plat, paillasson, fusible
  • La culture enseignante : la hiérarchie c'est mal, le harcèlement des adjoints, la méconnaissance, souffrir en silence (“Tes émotions tu te les gardes”)
  • Quelle hiérarchie ?
  • Les intervenants, les projets, les heures sup non payées, les réunions
  • Les formations par des gens monotâches
  • L'entre-soi, les mots qui reviennent : “tenir”, “j'ai de la chance”. Comme si on avait tous intégré que l'école était maltraitante
  • Demander aux enfants d'être meilleurs que les adultes. L'enfant sacralisé (mais ça en dit plus, par effet miroir inversé du niveau de saloperies dans lequel les adultes sont rendus)
  • Le choc des cultures : bobos de centre-ville, ruralité
  • L'estime de soi
  • L'utopie

C'est tout de même hallucinant de constater à quel point tout ce que j'ai subi est systémique, l'ampleur des expériences similaires, avec les mêmes ressorts.

CE QUE JE VOUDRAIS

Avoir une activité indépendante. Mon cabinet, mes horaires, mes rendez-vous, point. Choisir qui, choisir où, choisir comment. Mettre à profit mes expériences en gestion pour moi, strictement pour moi. Arrêter d'être au service gratuit des autres. Les gens ne respectent que ce pour quoi ils payent. Tu peux le déplorer ou voir le monde tel qu'il est. Ce que je veux, c'est être placée en congé longue maladie. Je ne veux pas retourner travailler à EWING, je ne veux plus entendre parler de cette école. Je ne veux plus être en présence de cette équipe dangereuse mais je ne veux plus non plus entendre parler de grands projets, de lien avec le périscolaire ou de toutes les actions qui sont faites plus par habitude que par conviction. Je ne veux plus avoir un emploi du temps en forme de guryère industriel, des trous partout, et moi qui doit compter que les doigts d'une main le temps que je passe avec mes élèves. Du coup tout le travail se fait avec le chronomètre en poche, dans l'urgence parce qu'il y a l'intervenante musique, plus l'intervenant sécurité routière, plus toutes les autres perturbations qui font que je me retrouve à n'être plus qu'une simple touriste dans ma classe. Et que dire de celle qui complète ma décharge qui prend l'initiative de déplacer les meubles alors que ça fait seulement quinze jours que je suis arrêtée ?

Je ne veux plus “gérer” des projets. On ne gère rien en fait, on fait le travail à la place des autres. On est accessoirement le passe-plat ou le paillasson. Je vois d'ici les remarques de certains lecteurs : voilà encore un jaune qui dénigre la profession alors qu'on a déjà assez à faire avec les insultes des parents. Mais moi, tout ça, ça me rend malade ! Le pas de vagues, le fameux pas de vagues dont on dit qu'il est exigé par la hiérarchie, il est tout autant porté comme un étendard par la masse des lâches et des hypocrites qui pullulent dans les cours de récréation et qui se comportent comme les pires ordures. J'entendais encore hier un psychiatre qui exhortait les enseignants à mettre en place des cours d'empathie dans les écoles avec des conseils de classe et de la communication non violente. Déjà, d'une, en ce qui me concerne, je n'avais pas attendu les injonctions pour le mettre en place mais de deux ce ne sont pas les enfants qui posent majoritairement problème, ce sont les adultes ! C'est aux adultes qu'il faudrait donner des cours d'empathie ! Les instit's adjoints en auraient grand besoin à l'endroit de ceux qui se fadent la direction des écoles. Ou peut-être qu'il faudrait les obliger, manu militari, à exercer la direction d'une école pendant minimum un an. Toutes ces pimbêches donneuses de leçon parce qu'elles ont eu la compétence suprême de pouvoir ejecter un chiard de leur utérus !

Je veux passer sous les radars. C'était ma stratégie au début, faire la béni oui oui et, une fois les caméras parties, reprendre le cours normal des choses. J'en ai tellement marre de partager ma classe avec les autres, d'être un fantoche. J'en ai marre de voir l'école se transformer en un gloubi boulga de lubies qui n'ont pas de sens. Le centre de loisirs avant chaque petites vacances, participer à une course à pied le weekend, faire des journées déguisées pour le carnaval, aller faire les cours de maths dans la pelouse du parc d'à côté, préparer un spectacle, le marché de Noël, la fête des mères, aller au cinéma, au théâtre, partir en séjour de trois jours au printemps théâtral avec 28 gamins de six juste parce qu'on ne supporte pas de rester dans les locaux. Mais quand est-ce qu'on enseigne ?! Moi, au milieu de tout ça, à persister à vouloir faire des maths et du français, à penser que, s'il doit y avoir heures sup' ça doit être pour des recherches pédagogiques pour tel ou tel élève qui a besoin d'accompagnement particulier ou ça devrait être pour construire des outils communs pour les élèves neuro-atypiques par exemple, je passe pour un dinosaure. La grande idée de l'année, c'est de créer une giga classe réunissant deux classes, avec les deux instits qui se partagent les matières comme au collège et qui font les cours de français en duo avec 48 gamins de 7 et 8 ans devant eux.

Non, franchement, on crache sur la hiérarchie, à raison parce qu'on a à faire à un ramassis de larves et de pleutres mais il y a un petit paquet d'instits qui sont vraiment hors-sol. En tout cas, moi, il m'ont foutu le bordel dans mes idéaux. Le travail d'équipe, mon cul oui. Mais chut, il ne faut pas le dire. Les instits sont déjà assez dénigrés par les parents, il ne faudrait pas en rajouter. En attendant, quand on regarde les enquêtes, il n'y en a que pour le secondaire. La violence à l'école primaire, ça n'existe pas. La violence entre les enseignants, ça n'existe pas et vu que les directeurs sont toujours vus commes les supots de la hiérarchie, comme des “petits chefs”, ce sont toujours eux les rats et du coup le harcèlement des adjoints sur les directeurs, ça n'existe pas non plus. Que des responsabilités, aucune autorité. Mais il faut vraiment être débile pour accepter de faire ça au milieu d'un corps de métier qui n'accepte pas la hiérarchie, qui a un rapport à la hiérarchie de gamins. Tu m'étonnes ! Qui d'entre-eux est sorti de l'école, a fait autre chose ? Pour ceux d'entre-nous qui viennent du privé, on hallucine. Cette obéissance crasse de premier de la classe.

Ho, j'en ai des choses à dire et je vois bien que ça commence à m'énerver, que ça me fait monter l'envie de fumer mais merde ! Ce n'est pas à moi d'avoir honte bordel ! Et si je dois faire autre chose et bien je le ferai. Non mais ! Ca va bien, pour qui doit-on accepter de se voir soi-même comme la dernière des merdes ?! Pour eux là, ces espèces de saloperies, de lâches ? Non mais attends, moi je ne veux pas être animatrice de centre de loisirs, malgré tout le respect que j'ai pour eux. Moi je ne veux pas être la secrétaire, le bouche-trou, le fusible ! Non mais on va où là ? Nom de Dieu ! J'ai deux Master avec mention dont un master archéologie mention très bien. J'ai réussi absolument tous les projets que j'ai entrepris que ce soit professionnellement ou personnellement. J'ai du lutter, batailler, j'ai mis un pied, un genou, le ventre parfois le corps entier au sol, je suis restée gisante, là, au milieu de la route, battue par la tempête. Je me suis relevée, à chaque fois. J'ai une capacité d'apprentissage hors-normes, je pourrais tout faire. J'ai des capacités intellectuelles supérieures à la norme et il faudrait que je me laisse dicter ma conduite par ce ramassis d'amibes mono-cellulaires ? Putain, j'ai accepté tout ça pour les enfants, parce que je pensais être utile. Il y a plein de façons d'être utile. La première c'est être utile pour soi et pour les gens qu'on aime. Ma vie ne s'arrête pas à la porte de la salle de classe.

Je m'en fous de mes cotisations retraites. Je me fous de mon avancement, je me fous des possessions matérielles. La plupart du temps, il s'agit de s'endormir l'esprit pour aller compenser le vide abyssale dans lequel on se trouve. Je me fous de tout ça, on vendra s'il le faut. On s'en fout tellement. Le travail est un moyen pas une fin. Je veux quitter cette école, je veux quitter la circonscription, je veux quitter la direction. Je ne veux plus partager ma classe, je ne veux plus avoir des responsabilités de gestion. La seule situation qui me fera encore accepter des gestions, c'est en ayant mon activité en indépendante, point.

Ce qui me plairait ? Travailler avec les animaux, au grand air, à l'extérieur, comme quand j'étais archéologue. Le terrain, la terre. C'est surtout le fait d'être indépendante, d'avoir ma propre activité, d'avoir mes propres horaires, de gérer les choses sans supérieur hiérarchique. Ca me fait rire parce que je conspue les enseignants qui ne supportent aucun lien hiérarchique mais moi non plus en fait. C'est pas vrai, moi j'ai toujours accepté l'autorité à partir du moment où elle était légitime. Je crois beaucoup au mérite, ou du moins j'y croyais et, pour moi, quelqu'un qui avait un poste avec une autorité hiérarchique le méritait, donc ça devait être quelqu'un de plus équipé, de meilleur que moi. La réalité m'a montré que ce n'est pas le cas. En tout cas, à l'Education Nationale où personne n'est formé sur rien, les gens qui montent les échelons le font par concours de celui qui sera le plus conforme à ce qui est attendu et donc sélectionné par des gens hors sol qui perpétuent cette belle tradition de mettre à des postes de RH des gens absolument pas formés pour. Ah si, ils ont peut-être regardé un ou deux tutos sur YouTube.

Rien n'a de sens dans cette boutique alors soit je repars “à zéro”, au plus simple dans ma classe avec ma petite pédagogique Freinet, canadienne et compagnie, soit je me casse, je pense à autre chose et je vois pour construire mon activité en FreeLance et demander une disponibilité ou un cumul d'activité et je me spécialiserai là où je voulais aller dès le début à savoir les enfants neuro-atypiques. Moi je ne suis pas pédopsy, je ne suis pas assistante sociale, je ne suis pas formée pour ça et je ne veux pas m'en soucier dans le cadre d'une actitivité indépendante. Je serai coach pour enfants. C'est tout. Les adultes m'emmerdent. Les gens de mon âge m'emmerdent en fait, depuis toujours. Je trouve les gens particulièrement débiles et pleutres. Je me suis embourgeoisée aussi et je me suis mise à avoir peur de choses dont, avant je n'avais strictement rien à foutre.

Ce qui est certain c'est qu'il est hors de question que je retourne dans cette école. Je me fous de perdre du salaire et je me fous royalement de passer en commission médicale.

ETAPE 1 : Faire les démarches pour la mutuelle

ETAPE 2 : Faire prolonger son arrêt le 9 février (rappel : le droit à un CMO est de un an donc pas de panique, personne ne peut t'obliger à y retourner)

ETAPE 3 : Participer au mouvement et ne pas se limiter à Laennec. S'il faut racheter une voiture, tu rachèteras une voiture. Oui, tu gagneras moins d'argent et bien tu dépenseras moins en conneries diverses et tu t'adapteras, c'est tout. Est-ce que l'argent que tu as gagné avec la direction, les objets que tu t'es acheté (et surtout les paquets de clopes et les pintes de bières) t'ont prémunie de la dépression ? Tu t'es rendue dépendante à des paliatifs que tu as eu peur de lâcher alors regagne ta liberté. La liberté se paye et toi, c'est ta valeur numéro 1 alors arrête de renoncer à qui tu es vraiment. A doit faire son propre chemin par rapport à ses propres contradictions. Ton rôle n'est pas de porter tout le monde à bout de bras. Tu dois être complète, toi avec toi. S'adapter ne veut pas dire se nier. Tu dois avoir deux priorités et tu dois les jouer : quitter la direction, quitter la circonscription.

ETAPE 4 : Si ça ne fonctionne pas, tu feras des démarches avec un psychiatre pour un CMO. Tu débloqueras la case “reconversion”, tu feras les démarches vers ergo-grapho-thérapeuthe / coaching pour enfants, tu passeras la certification pour l'anglais, tu feras feu de tous bois, tu t'investiras dans le fait de créer ton activité (digital nomade, trucs en téléconsultation) et tu investiras ton énergie dans la demande de disponibilité, voire de cumul d'activité. Et tu te donneras deux ans.

LES SURPRENANTES AVENTURES D'INGALLS FOXWORTHY

  • Ingalls : prénom ridicule du type “Tijuana Thérèse”, mère anglaise et père français avec nom de famille ridicule voire injurieux
  • parcourt la France au gré de ses déboires sentimentaux et professionnels
  • exerce plusieurs professions
  • fin : tout est absurde / pas de chute

RÊVE EVEILLE

Il était déjà trop tard pour que je puisse espérer fermer l’oeil. Déjà deux heures à me retourner dans tous les sens, des dizaines d’images défilant dans ma tête à toute vitesse à la manière d’un film muet. J’avais beau inspirer, expirer, inspirer, expirer, rien à faire. Je me levai et décidai d’aller dans le salon. Il ne servait à rien de rester là. Quitte à être debout, autant en faire quelque chose. Ces insomnies me pourrissaient la vie depuis trop longtemps. Il en résultait un sentiment de déconnexion permanente mêlé à une impression étrange d’évanescence, comme si je n’étais jamais réellement là ou j’étais sensé me trouver.

Pour la quatrième nuit consécutive, je m’installai dans le canapé et repris la lecture de Croc-Blanc. Le loup venait juste d’être recueilli par Castor Gris. Il apprenait à rester à sa place, à obéir malgré la vie sauvage qui continuait de bouillonner dans ses veines. Il n’avait encore subi la cruauté de Beauty Smith ni découvert l’amitié de Weedon Scott. Le son d’un hurlement lointain me fit sursauter et lâcher mon livre. Je regardai autour de moi. La lumière diffuse de la lampe posée sur le guéridon projetait des ombres familières sur le mur qui me faisait face. Il me semblait reconnaître une forêt de pins dont les cimes s’étiraient par delà le plafond.

Je ramassai le roman sur le sol et repris ma lecture. Je sentais mes paupières s’alourdir lorsqu'un nouveau gémissement se fit entendre. La surprise fit place à l’inquiétude. Je me dirigeai vers la porte donnant sur l’extérieur et tendis l’oreille, retenant mon souffle. Pas un bruit. Je décidai de jeter un œil au dehors. J’allumai la lumière de la terrasse et attendis, sans bouger. Pas un mouvement. Je refermai la porte et m’apprêtais à rejoindre ma chambre quand j'entendis un bruit de branches cassées. Puis ce fut un souffle glacé me parcourant le dos, et une troisième et longue plainte déchirant le silence.

Je sentai l’odeur des pins, mêlée à celle de l’humus envahir mes narines. Je retournai dans le salon, l’air hagard. Les ombres sur le mur s’étiraient de plus en plus. La lampe était toujours allumée et pourtant, ce n’était plus l’ampoule qui éclairait désormais la pièce. C’était une lumière sourde, à peine perceptible. Je relevai la tête. Ce n’était plus le plafond de ma maison, c’était le ciel. Je restai figé, les yeux rivés sur les milliards d’étoiles et sur la voie lactée qui s'étalait en une longue bande argentée. Je fixai la lune, énorme, majestueuse, posée sur une tapisserie scintillante.

Autour de moi, les murs avaient fait place à une immense étendue de conifères. Sous mes pieds, le sol s’était transformé en un épais tapis d’aiguilles et de branches recouvertes par la neige. Je devinai qu’en avançant, je trouverais une rivière aux eaux transparentes et glacées. Mêlé aux bruits de la nuit, j’entendis de nouveau le hurlement. Je m’assis un instant pour réfléchir et je fermai les yeux. Un moment passa. Quand je les rouvris, je portai sur moi tout l’attirail des coureurs des bois. Je me levai et me dirigeai vers un traîneau qui se trouvait un peu plus loin. Je découvris l’attelage : cinq magnifiques chiens blottis dans la neige avec, à leur tête, un loup gris.

Je fis quelques pas en direction de l’animal qui s’approcha de moi en grondant. Je redoutai qu’il me saute à la gorge mais je ne fis pas cas de mes émotions et lui tendis doucement ma main. Le loup accepta la caresse avec un grognement de satisfaction puis repris sa place à la tête du groupe. Je compris que c’était lui que j’entendais depuis le début. Il était resté là, à m’attendre. Je serrai fermement le guidon du traîneau et mis un pied sur le premier patin. Les chiens se levèrent et s’ébrouèrent. Il se tenait prêts. Le pied sur le deuxième patin, le frein puis le signal du départ fit bondir l’attelage, m’entraînant derrière lui. Je faillis être éjecté au premier virage, je gardai mon calme. Ce n’était pas la première fois que je pilotais cet engin, ni que je parcourais ces bois. Tout me semblait familier : la course des chiens, le vent glacé qui brûlait mon visage, les creux, les bosses, le hululement de la chouette, la piste qui s’étendait devant moi. Petit à petit, je retrouvais des réflexes et j’accompagnais le mouvement du traîneau avec plus de souplesse. Le loup gris semblait connaître le chemin et dirigeait l’attelage avec une maîtrise totale.

Nous avancions au cœur de la forêt tel un train fantôme entre les grognements des chiens, les crissements de la neige. J’ordonnai au chien de stopper. Il y avait une cabane au détour de la piste. L'apaisement, après cette course folle au milieu des pins. Je pris de profondes inspirations et savourai chaque détail de la bâtisse. De puissants troncs étaient imbriqués les uns dans les autres. Le toit, recouvert d’une épaisse masse blanche se confondait avec les branches des pins. A travers une fenêtre aux carreaux blanchis par le givre, on devinait un petit salon confortable. Une terrasse de planches marquait l’entrée de la cabane.

Je détachai les chiens et les menèrent à leurs niches puis mis le traîneau à l’abri. Le loup me suivit jusqu’à la terrasse et s’assit, semblant attendre quelque chose. La lumière extérieure était allumée. La porte n’était pas verrouillée. La cabane était de belle taille. Je fis signe à mon compagnon d’entrer. Il alla s’installer sur le tapis, près du poêle qui trônait au centre de la pièce principale. Je fermai la porte derrière moi et entrepris d’ôter mes vêtements gelés. Un thermos de thé chaud m’attendait dans la cuisine. Changé, réchauffé, ma tasse de thé fumant à la main, j’allai m’asseoir sur le confortable canapé bleu du salon. A côté de moi, sur le guéridon, à côté d'une lampe, un livre était posé. Je finis ma tasse de thé, me levai. Je pris le temps d'adresser de longues caresses à mon compagnon qui s’était déjà assoupi et me dirigeai vers la chambre. Il était temps d'aller dormir.